Le reconditionnement des véhicules d’occasion réclame des méthodes plus modernes. De fait, légion sont les acteurs du marché à investir dans des centres aux procédés industriels. Bilan de la situation.
Tout commencera au deuxième semestre 2020. À cette échéance, les équipes du groupe Gemy entreront en action, dans le tout nouveau site que le distributeur aura aménagé pour traiter, à des cadences industrielles, les véhicules d’occasion nécessitant d’être reconditionnés avant d’être exposés sur les parcs en concessions. Ce sera le deuxième du genre dans son organisation. Mais cette fois, il opérera dans le Var, à proximité de la plateforme de commercialisation de pièces de rechange, PSA Logipar, possédée par le groupe originaire de Mayenne. « Nous voyons arriver une vague d’électrification qui n’est pas bonne pour nos marges VN et, parallèlement, nous estimons avoir des leviers de progression sur le VO, expliquait Pierre-Élie Gérard, directeur de la stratégie et du développement du groupe, en évoquant le projet lors d’un entretien accordé en juin dernier. Notre stratégie s’appuie donc notamment sur ce second centre de préparation et sur une valorisation de ce savoir-faire auprès de clients extérieurs. » Considérant les propres volumes du groupe, ajoutés à ceux traités pour les marchands, les loueurs, les mandataires et les autres distributeurs, cette véritable usine pourra voir passer jusqu’à 30 000 véhicules par an.
40% des frais de remise en état concernent la carrosserie, selon les concessionnaires.
Le groupe n’est pas un novice dans le domaine. Il a même été le deuxième en France à croire en l’apport des centres de reconditionnement des VO, après Paul-Henri Dubreuil, le PDG du groupe éponyme. Ce projet fraîchement dévoilé par Gemy témoigne donc du succès rencontré jusqu’alors. En vérité, on parle d’une tendance de fond. De plus en plus, les concessionnaires vont s’employer à doter leur groupe d’une infrastructure capable de gérer cette étape cruciale du cycle commercial. Ils avancent sur les dossiers. Emil Frey France n’y échappe pas. Celui qui facture 120 000 VO par an planche sur un centre dédié à la remise en état, à Reims (51). Contactée par nos soins, la direction a préféré ajourner sa prise de parole sur le sujet. Dans la cité champenoise, néanmoins, un autre concessionnaire en expansion y songe sans détour. Il assure avoir fait une offre pour racheter un terrain dans la zone de la Croix Blandin, soit au cœur du pôle automobile local. Il entend y bâtir une structure au plus près de ses points de vente. « Nous souhaitons recruter un acheteur VO pour le groupe, qui ira notamment prospecter à l’étranger, il nous faudra donc dispo-ser d’une capacité de traitement adéquate, justifie-t-il son projet. Les centres de reconditionnement deviennent des enjeux de haute importance. »
Le besoin ne doit pas conduire à la précipitation. Consulté sur la question, François Raguin, le PDG de la Financière Koala, à Nîmes (30) reconnaît prêter une attention croissante aux usines, mais s’accorde le temps de la réflexion par souci de procéder avec discernement. Il est rejoint par Éric Roulleau, le stratège VO du groupe Lempereur, dans le Nord. Récemment embauché, il définit les contours de la future organisation, car les trois villages automobiles de Jean-Paul Lempereur disposent d’ateliers de préparation associés. Chaque année, les concessions leur confient 750 à 780 unités. L’ajout récent de Mazda et de ses fortes ambitions sur le VO – dont un lancement de label – poussera vers des sphères plus hautes.
« En dessous de 1 000 unités, les concessionnaires peuvent procéder avec des méthodes traditionnelles, mais au-delà de ce seuil, il est impératif de considérer des méthodes modernisées et industrialisées », se montre convaincu Éric Roulleau. Les plateformes actuelles pourraient donc être redimensionnées après la réalisation d’un audit de l’existant. « Nous pouvons encore gravir une marche, voire deux », estime-t-il. RUÉE VERS LE NORD Pour le groupe Lempereur, l’enjeu prend une dimension plus importante depuis que la région Nord semble être devenue un territoire attractif pour des mastodontes. Éric Roulleau regarde particulièrement dans la direction de la marque au losange. À Lille (59), RRG a inauguré en mai dernier sa Factory VO, à qui le stratège accorde le plus grand crédit. Une déclinaison de ce que la filiale de distribution de Renault exploite à Herblay (95), mais avec une organisation améliorée au profit de la productivité. « Le volume de vente des véhicules d’occasion est en forte progression chez RRG et les heures facturées dans nos ateliers sont également en hausse. Il s’agit avant tout pour RRG d’optimiser la rénovation des véhicules d’occasion et de soulager nos affaires en libérant de la place dans les services après-vente des établissements », explique Manuel Laronha, le directeur de projet Factory VO chez Renault Retail Group. À l’ouverture, 30 salariés gèrent les flux, mais 50 personnes supplémentaires pourraient venir grossir les rangs dans les mois prochains, a-t-il fait savoir. Dans cette phase d’amorçage, 3 000 véhicules d’occasion devraient être préparés pour la vente, jusqu’à la fin de l’année. Une goutte d’eau au regard des 140 000 VO (dont 80 000 unités aux particuliers) recommercialisés en 2018 par RRG, certes, mais l’apprentissage d’une méthode à déployer sur le territoire, assurément. Et PSA n’est pas en reste avec son nouveau site de préparation à Hordain (59). Il se dessine comme le plus grand centre logistique VO d’Europe. En transférant les activités depuis Limay (78), le constructeur passera de 10 500 à 16 000 places de stationnement. Un lieu où se concentreront les véhicules en retour de LLD. « Dans un marché de renouvellement très fort et pour accompagner la croissance, nous assistons à la constitution d’un réseau de centres de reconditionnement chez nos concessionnaires, confiait en avril dernier Serge Habrant, le vice-président de la division VO de PSA France. Beaucoup d’entre eux se sont engagés. » Outre le projet de Gemy, dans le sud de la France, il mentionnait celui de François Mary, à Caen (14).
Recrutement de spécialistes
+62% : La part des VO de plus de 5 ans au premier semestre 2019
2 860 098 : Le volume de VO au premier semestre 2019
43% : La part des professionnels sur le marché VO hexagonal entre juin 2018 et mai 2019
TONY MONTIZON directeur VO du grouê Amplitude
« Gare aux frais car le trajet se facture 50 à 60 euros par véhicule si la route est longue. »
Entre mai et décembre 2020, RefitNGIN va livrer une dizaine de centres de reconditionnement à des clients concessionnaires, constructeurs et loueurs pour un volume de traitement estimé à 100 000 unités par an, en France. La consécration pour cette entreprise fondée en octobre 2018. À la tête, on retrouve Yann Brazeau, justement l’homme à l’origine de la plateforme exploitée par Aramisauto. « Nous avons des clients aux ambitions très variées, observe-t-il. Nous les accompagnons donc dans la définition du projet, sa mise en œuvre et son suivi dans le temps, car il convient de gérer la conduite du changement. » À partir du premier contact, si le planning est optimisé et que l’identification de la zone a été avancée, il faut compter 14 à 18 mois pour disposer de la structure. Certes, le terme « usine » en effraie certains, mais il faut admettre que les méthodes sont empruntées à l’industrie. Raison pour laquelle Yann Brazeau recommande de recruter dans ces sphères, car il y a une notion de maîtrise des chaînes cadencées. Chez Aramisauto, il avait confié les rênes à un ancien ingénieur de Valeo, tout droit sorti d’une usine de l’équipementier automobile.
Considérant l’informatique, la start-up a développé une suite de logiciels dédiés au métier.
Elle s’inspire des processus employés dans les usines de Toyota. « Les données doivent permettre d’orchestrer les flux. Aucun poste de travail ne doit être vide, or dans une chaîne de reconditionnement, chaque véhicule va suivre un parcours unique de remise en état, car la liste des réparations n’est jamais deux fois la même », explique Yann Brazeau, dont le frère, Jean-François Brazeau, est un expert IT et figure parmi les cofondateurs de l’entreprise. En attendant le premier site pilote à ouvrir en fin d’année 2019, le dirigeant se montre confiant. Il estime pouvoir diviser par cinq les délais, tout en réduisant les frais de remise en état. « Le suivi de la qualité des opérations augmente par ailleurs la fiabilité de 65 % », ajoute-t-il au bilan prévisionnel.
Des chiffres corroborant les bilans partagés avec les médias par les groupes en ordre de marche. À Vénissieux (69), à titre d’exemple, le groupe Vulcain rapporte avoir abaissé de 14 jours les délais de préparation, depuis l’entrée en service de son usine. Un facteur déterminant dans la rentabilité de l’activité VO. « Il s’agit purement et simplement de flux financiers, nous devons chercher à accélérer au maximum la rotation », réagit Éric Roulleau, dont son ancienne fonction de consultant chez Solutions VO l’a amené à étudier les détails du projet rhodanien. Tony Montizon, le directeur VO du groupe Amplitude, approuve. Lui dont l’objectif consistait à diviser par deux les délais pour les ramener à moins de 12 jours ouvrés par unité.
Parution : Quinzomadaire – Nouveau.pressedd.fr
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